L’article de Maître Christelle Macq paru dans cette publication au mois de février de cette année, avait déjà traité de manière brillante les aspects nationaux et internationaux de cette problématique. Je vais donc me borner à faire le point très succinctement de la situation au niveau européen.
Le 20 janvier 2021, le Parlement européen a créé la surprise en adoptant un amendement reconnaissant l’écocide dans son rapport annuel sur les droits humains et la démocratie, et en demandant à ce qu’il soit inclus dans les statuts de la Cour Pénale Internationale comme crime contre l’humanité(cet amendement fut voté le 20 janvier 2021 par la Plénière du PE (340/323/17). Le rapport final fut finalement adopté(459/62/163)).
Cette avancée majeure pour la protection de l’environnement venait récompenser le travail de mobilisation effectué par des parlementaires européens impliqués au sein de « l’Alliance Ecocide ». « C’est une véritable victoire, un premier pas majeur vers le soutien à la reconnaissance de l’écocide par l’Union européenne ! » a expliqué Marie Toussaint, juriste, fondatrice de Notre affaire à tous et eurodéputée écologiste française.
Le Parlement européen a invité l’an dernier la Commission européenne à étudier la reconnaissance de l’écocide dans le droit européen.
En effet, après cette première victoire, les parlementaires européens sont restés mobilisés pour continuer à porter la reconnaissance de l’écocide et son inscription dans le droit européen à travers divers travaux, et notamment la révision de la directive européenne sur l’environnement qui est en cours d’adoption.
Pour sa part, l’Union Interparlementaire (UIP), une organisation internationale qui réunit 179 Parlements, a adopté en 2021 lors de sa 142ème assemblée une résolution qui porte sur les stratégies à mettre en place au sein des Parlements pour renforcer la paix et la sécurité face aux menaces des catastrophes climatiques. Elle invite les Parlements du monde à renforcer leur droit pénal pour sanctionner les dommages causés à l’environnement moyennant la reconnaissance du crime d’écocide.
En ce qui concerne la directive 2008/99/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative à la protection de l’environnement par le droit pénal (https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex%3A32008L0099), elle constitue le principal instrument européen dans le domaine du droit pénal de l’environnement. La directive érige en infractions pénales les violations graves de plus de 70 instruments juridiques dans le domaine de l’environnement et exige des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives.
Lors de l’évaluation de la directive en 2020, il a été constaté qu’elle n’a pas eu beaucoup d’effet sur le terrain et que sa mise en œuvre dans la pratique laisse à désirer dans tous les États membres. Pour preuve, la directive n’a pas donné lieu à davantage de poursuites et de condamnations pour des infractions au détriment de l’environnement ni à l’imposition de sanctions plus dissuasives dans les États membres.
Il a donc été décidé que la directive ferait l’objet d’une révision pour la rendre plus efficace, notamment par des dispositions facilitant et encourageant le travail des praticiens (les services répressifs, les procureurs, les juges).
Notre Fondation avait proposé dans son avis lors de la consultation publique à la société civile, pour ce qui est de l’extension du champ d’application de la directive, l’inclusion de la reconnaissance d’un crime d ‘«écocide» afin de lutter contre les dommages et la destruction des écosystèmes les plus graves. En demandant que, « si ce n’est pas dans le cadre de la directive, ce crime devrait être légiféré séparément, auquel cas une telle législation devrait être considérée comme une question d’urgence. »
Le Comité économique et social dans son rapport sur la proposition de directive du 23 mars 2022 (Référence: NAT/853-EESC-2022) s’est prononcé dans le même sens : « Le CESE se félicite qu’il soit fait référence à l’«écocide» dans les considérants. Toutefois, il estime qu’il serait opportun de faire figurer ce terme dans la partie opérationnelle de la directive. « (https://www.eesc.europa.eu/fr/our-work/opinions-information-reports/opinions/ameliorer-la-protection-de-lenvironnement-par-le-droit-penal)
Il est évident que l’inclusion de l’incrimination de l’écocide dans un instrument juridique de l’Union dont la transposition est obligatoire pour tous les États membres, constituerait un pas de géant dans la lutte contre la destruction des écosystèmes et, in fine, en faveur de la stratégie de l’Union européenne pour essayer d’endiguer la crise climatique.
En outre, une directive dans ce sens permettrait d’éviter, ou du moins serait un obstacle à l’adoption par les états membres des délits environnementaux galvaudés qui font plus de tort que de bien à la nécessité urgente de mettre un frein à la dérive destructrice des ressources naturelles de la Planète.
Ésperons que l’adoption de la directive ne devienne pas une occasion manquée, une de plus, dans la stratégie européenne pour faire face à la plus grave menace de notre temps.
C’est pour contribuer à cet effort que la Fondation européenne pour le droit du vivant a produit et mis en accès libre sur Youtube (https://www.youtube.com/channel/UCjb-ozhB5DTt5AwhUPjchYg) un documentaire intitulé « Écocide : changer ou disparaître » qui met en scène, entre autres, un premier procès par écocide joué par des jeunes étudiants de secondaire. Un dossier d’accompagnement à l’intention des écoles et des professeurs a été également mis à disposition dans le but de conscientiser les générations plus jeunes (https://www.educ-ecocide.com)
La Fondation européenne pour le droit du vivant que j’ai l’honneur de présider, et l’asbl Planète-Vie présidé par le Dr Yvan Beck, ont envoyé une carte ouverte à tous les responsables politiques belges au niveau national et européen pour les encourager à soutenir les initiatives visant à faire reconnaître l’écocide comme un crime au niveau national, européen et international. Vous pouvez la retrouver sur notre site internet.
Jose-Javier Paniagua
Fondation européenne pour le droit du vivant