Le chaton Lee se trouve bel et bien pris en otage dans une affaire qui ne le concerne plus. Sauf qu’à la clef c’est sa tête qui est exigée par un Ministre belge, Ducarme en l’occurrence, et son administration.
Un bref rappel historique… Ce petit chat né au Pérou dans une région où aucun chat n’est contaminé depuis plus de 10 ans par la rage [i] a été accueilli le 10 février dernier dans un cat club péruvien. C’est un endroit typique du pays. Les gens s’y rendent pour adopter des chats. Il y est contrôlé à son arrivée et vacciné par un vétérinaire local. Du 10 février au 29 mai, cela fait près de 4 mois que Lee vit en contact étroit avec des humains. Aucun d’eux n’est devenu enragé.
Le 10 mars Lee fut adopté par une jeune belge, Selena Ali qui le fit aussitôt vacciner contre la rage. Elle l’entoura très vite de toute son affection. Cela fait deux mois et demi qu’il vit avec sa maîtresse. Confinée au Perou, Melle Selena Ali apprend qu’elle est rapatriée le 05 avril. Elle n’a donc ni le temps d’effectuer le contrôle antirabique [ii] ni celui d’observer les trois mois de quarantaine imposés par la législation européenne. Elle demande une dérogation à l’Afsca vu la situation exceptionnelle liée à la pandémie du Covid. Cette dérogation lui est refusée. Incapable de se séparer de son nouveau compagnon, elle le prend avec elle, arrive en Belgique et passe la douane sans se faire contrôler.
Lee est à présent depuis près de deux mois en Belgique. Il a fait un dosage pour la rage qui révèle un taux d’anticorps protecteur vingt fois supérieur à celui requis par la loi. Il est donc parfaitement protégé contre la maladie. Hélas, il ne pouvait deviner qu’il avait attiré sur lui une menace bien plus dangereuse que le virus. Celle de l’AFSCA qui exige sa tête pour faire un exemple. On ne badine pas avec la rage. La façon la plus cruelle de punir la maîtresse est bien de tuer son chat.
L’AFSCA justifie sa demande en agitant le spectre d’une nouvelle pandémie, celle de la rage, dont la Belgique est exempte depuis 2001. Cet argument au vu de l’historique du chaton n’est absolument pas crédible comme l’affirment les véterinaires – Dr Brochier [iii] et Dr Beck [iv] – dans leur avis de contre-expertise, ainsi que plus récemment le Dr Marc Van Ranst [v]. Cet éminent virologue proposait même d’accueillir le chaton en quarantaine dans son département de virologie à l’université. Il apportait miraculeusement la pièce manquante au puzzle. Un confinement sous haute surveillance, dans un environnement qui permettait d’isoler le chaton en offrant à l’Afsca le confinement demandé pour assurer la protection de la population belge.
L’Afsca n’en tient aucun compte, tout comme elle ignore l’avis des autorités académiques [vi] et de l’ambassadeur Péruvien attestant de l’absence de cas de rage pour les chats de la région de Cuzco.
S’il y a des cas de rage dans le pays, ce qui est indéniable, tout mammifère est « à risque » et les directives sanitaires doivent être respectées pour tous.
Dans cet esprit, soyons cohérents, n’oublions pas l’homme. C’est un mammifère lui aussi. Nous proposons donc pour rester logique dans nos décisions et éviter tout risque de contamination, que tout Péruvien, suspect d’être porteur asymptomatique de ce virus, soit vacciné, ses anticorps contrôlés et qu’il observe une quarantaine de trois mois en confinement dans son pays avant de visiter le nôtre. Après tout l’image de notre pays ne peut pas être mise plus à mal après la saga opposant Lee à l’Afsca diffusée sur les chaînes télévisées [vii] au Pérou. Autant aller jusqu’au bout de l’égarement collectif.
Comme nous le disons depuis le départ, le Dr Van Ranst confirme qu’, « il est peu probable que le chaton de Selena soit porteur de la rage. Ce chat est vacciné depuis deux mois, il est depuis un mois en Belgique, et est toujours en bonne santé. La période d’incubation chez le chat est généralement de trois à huit semaines » Il n’y a donc aujourd’hui aucun risque de rage pour elle et pour son entourage. Affirmations partagées par les Dr Brochier et Beck dans leur avis d’expertise.
L’Afsca rétorque que la maladie est pernicieuse, qu’elle présente des formes sournoises et des contaminations qui pourraient se faire des mois voire des années après. Pourquoi accepter alors au terme d’une quarantaine légale de 3 mois au Pérou des visiteurs – animaux ou humains – qui risquent encore de véhiculer ce fléau.
Dans cette logique nous devrions me semble-t-il appliquer à la maîtresse le même sort que celui réservé à son chat. Evitons qu’elle ne soit elle aussi à l’origine d’une pandémie en Belgique et tuons-la … Soyons belges, jusqu’au bout.
Cultivons l’autodérision.
Poursuivons le raisonnement. L’euthanasie, telle qu’elle est définie dans le dictionnaire, est la suppression douce d’une vie destinée à abréger les souffrances du malade atteint d’une maladie incurable. Lee n’est absolument pas malade. Ce ne serait donc pas une euthanasie mais une exécution. Une peine de mort. Pour Lee ? Pour sa maîtresse, certainement contaminée par Lee ?
La peine de mort n’existe plus en Belgique depuis 1996. Bien, Selena est sauvée. Mais Lee lui, n’est pas un humain. C’est un chat. Pire, un objet, selon le code civil belge, soumis à d’autres lois que celles des humains. Il demeure condamné à mort.
Reste alors à imaginer comment tuer un objet ? Par définition même, une chose est déjà morte… Donc parmi les objets nous avons créé une sous-catégorie pour les « êtres sensibles ». Les animaux. Des objets vivants que l’on peut tuer. Puisque ce ne sont pas des humains. Décidément, tout n’est pas si simple lorsqu’on soumet nos pensées et nos actes à une logique analytique.
Une chose est sûre. Enfermer le monde vivant parmi les choses mortes, c’est le condamner dès le départ. L’affaire du chaton Lee nous confronte à l’un des challenges majeurs du XXI siècle. La nécessité pour nos sociétés de réécrire leur histoire. Réinventer le partenariat entre l’homme et son environnement – végétal et animal – en leur octroyant une personnalité juridique et en modifiant les codes civils et les constitutions en conséquence. Ce sera la seule façon de le protéger, mais surtout de le respecter.
Pour terminer, oublions l’humour « décalé » de cette « analyse » mais gardons-en la substance.
Toute cette histoire ne concerne ni Lee, ni la Belgique. C’est une question de pouvoir et d’ego. Un ego collectif pour l’Afsca qui ne supporte pas qu’une jeune fille n’ait pas respecté ses directives. Un ego individuel pour le Ministre Ducarme qui ne voit que son autorité bafouée, et non le manque de discernement de son administration.
Le 5 juin il restera au juge à trancher. Dans les enseignements bouddhistes, la discipline est assimilée à l’éthique. A la morale dans son sens le plus large. Pour illustrer ce qu’elle est, les tibétains évoquent l’image du juge. Un juge n’est pas celui qui applique les lois ou les règles. Les règlent existent sans lui. Non, c’est celui qui les met en perspective et agit ensuite de façon juste. Avec justice. Pour cela il doit avoir un certain niveau de compétence – ou mieux, de « réalisation » – que lui confère la sagesse et la compassion. Il s’en inspire pour le bien de tous les êtres. Nous sommes des dizaines de milliers de belges à espérer de tout coeur que Lee soit jugé par une telle personne.
Dr Beck – Président de Planete-Vie
[i] Universidad National Mayor de San Marcos : attestation officielle versée au dossier juridique
[ii] Le contrôle du taux protecteur post-vaccinal se fait 1 mois après le vaccin
[iii] Dr B Brochier ancien responsable de l’unité rage au sein de Sciensano
[iv] Dr Y Beck ancien responsable du département de diagnostic des maladies virales des carnivores domestiques au sein du département de virologie de la faculté de médecine Vétérinaire (Cureghem)
[v] Dr Van Ranst laboratoire de virologie clinique et épidémiologique de la KU Leuven
[vi] Sic – Universidad National Mayor San Marcos
[vii] Planete-Vie asbl https://planetevie.be