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À partir d’avril 2020 à Strasbourg, André-­Joseph Bouglione et son épouse Sandrine proposeront le premier spectacle de leur “Écocirque”. Particularité: l’absence totale d’animaux, y compris domestiques. Venus à Bruxelles pour une conférence donnée à l’ASBL Planète­-Vie, ils s’expliquent à La Libre.

Pourquoi avoir stoppé l’utilisation d’animaux? Vous étiez tous les deux pourtant dompteurs de métier…

AJB: J’ai commencé à dresser des animaux, tout simplement parce que dans ma famille, c’est ce qu’on faisait. Quand on est élevé dans ce milieu, on ne se pose même pas la question: on poursuit l’activité. Et pour nous, c’est alors ça la bonne chose, on pense que c’est bien, pour les animaux, pour nos enfants, pour la suite des événements… On pense que c’est mieux aussi pour le public. Jamais on ne se serait remis en question à cette époque-­là (les années 1990), à ce sujet-­là. Et puis les années ont passé. On a eu des enfants. La société a évolué et ce qui attirait un monde fou dans les années 1990 commençait à baisser. La fréquentation devenait moins forte. Nous­-mêmes, de notre côté, on a eu des pertes, de tigres en particulier, de vieillesse. Cela nous a un peu choqués. On a été
confrontés à la mort de ces animaux. Et on s’est dit qu’en fait, tout ce qu’on avait pu leur donner, c’était une vie de captivité. Alors que pourtant on les aimait.
On avait du regret d’avoir donné une vie de captivité, à des animaux qui sont nobles, et qui ont une place et un rôle à jouer dans leur état naturel. Des gens venaient aussi nous voir pour dire leur malaise.

Vous aviez l’impression d’avoir maltraité ces animaux?

AJB: Je n’ai jamais eu l’impression de les avoir maltraités, mais maintenant, a posteriori, avec du recul, effectivement… Ils n’étaient pas maltraités: ils avaient la meilleure eau possible, la meilleure viande possible, les meilleurs soins possibles, les meilleurs palefreniers possibles, mais bon, ils étaient quand même en captivité. Et la captivité, en soi, c’est un mauvais traitement. Quand on met quelqu’un en prison, c’est pour le punir, pas pour le récompenser ou le promouvoir.

On vous répondra que ces animaux sont de toute façonnés en captivité…

SB: Non. Tous les éléphants en France ont été capturés dans leur milieu sauvage. Chaque éléphant a subi ce traumatime, même si on l’occulte. Les fauves, eux, sont tous nés en captivité à présent, mais ils sont en captivité à vie, sans aucun espoir. On ne peut même pas être dans l’idée qu’on fait partie d’un programme de réintroduction des espèces. Ils sont condamnés à être nourris et soignés par l’homme, ce serait un danger de les ressortir, ils ne pourraient pas chasser.

En Belgique, les animaux sauvages sont interdits dans les cirques, mais les animaux domestiques restent autorisés. Vous avez supprimé tous types d’animaux, pourquoi ?

SB: C’est très simple; je ne vois pas la différence entre un animal sauvage et un animal domestique. C’est tout simplement un animal. Cela dit, pour moi, le
dressage n’est pas en cause. Mon grand­-père était dompteur, mon père était dompteur, mon mari aussi vient d’une famille de dompteurs. On a eu la chance
d’avoir un savoir­-faire, mais beaucoup de gens sont dans l’ignorance, et donc le dressage ne se passe pas toujours dans les meilleures conditions. Par ailleurs,
que ce soit un cheval, un tigre, un éléphant, ils sont quand même emprisonnés, et dans des conditions qui ne sont pas optimales pour l’animal. Nous, on a grandi dans des cirques; auparavant, pour les tournées, on n’était pas dans des zones si urbaines, mais dans des grands parcs expo. On pouvait lâcher les animaux, avec des clôtures… On pouvait avoir des conditions de détention optimales. À présent, on est dans une ère de sururbanisation où les emplacements rétrécissent. Monter à Bruxelles, avoir un champ à côté pour balader les chevaux, ce n’est plus le cas. Les trois quarts du temps, en France du moins, nous sommes cantonnés sur des parkings de supermarchés. Je ne peux pas détenir des chevaux dans de bonnes conditions, ou des poneys, ou des chiens, ou diable je ne sais quoi. On a pris cette décision de complètement arrêter et de faire une proposition pour le cirque traditionnel de demain. On pense que l’on peut se divertir sans souffrance animale. Un tigre n’est pas fait pour être transbahuté H24, mais nous l’avions même vu avec certains de nos chevaux exotiques: quand ils commencent à prendre de l’âge, ils ne supportent plus les transports, ils angoissent, alors qu’il ne s’est jamais rien passé, ils n’ont jamais été battus, etc.

Qu’allez-vous proposer à la place, au public?

SB: [Dans le milieu du cirque], les temps sont devenus tellement durs que les gens pensent qu’il faut mettre des animaux. On se retrouve aussi avec des affiches
avec Spiderman et la Reine des Neiges. Ce n’est pas du cirque, pour moi. Je ne reconnais plus mon métier. Nous, ce qu’on souhaite faire, c’est remettre au goût du jour ces anciens métiers qu’on ne voit plus: lanceurs de couteaux – ce sera en l’occurrence une lanceuse de couteaux –, des casse­cous, des acrobates, des équilibristes, des magiciens, des trapézistes volants avec leur cape… L’imagerie traditionnelle sublimée par des hologrammes, et un groupe de rock en live. On va essayer d’allier les nouvelles technologies avec les racines mêmes du cirque.

AJB: On reçoit un intérêt très positif à la nouvelle, et en plus, il y a carrément une demande.