Chaque animal, dont l’homme, héberge de manière asymptomatique des centaines, voire des milliers de virus. A un moment donné, à la faveur des mutations, ces virus deviennent pathogènes et peuvent se transmettre à d’autres espèces.
L’élevage intensif, foyer idéal
Comme vous le savez désormais, la majeure partie des virus est asymptomatique. L’émergence d’une transmission suivie d’une éventuelle épidémie reste – en théorie – un événement rare. A un léger détail près : nous créons de nous-mêmes les conditions optimales pour faciliter une transmission de l’animal à l’homme, suivie d’une contamination à grande échelle.
Qu’observe-t-on si on regarde les 60 dernières années ? interroge Serge Morand, chercheur au CNRS et spécialiste de l’écologie parasitaire. Une accélération globale de notre système à tous les niveaux : démographie, production, empreinte écologique … Et que voit-on s’accélérer en parallèle ? Le nombre d’épidémies.
Il y a de plus en plus d’épidémies, issues de maladies différentes, partagées par plusieurs pays en même temps. Et cela va de pair avec une accélération inouïe de l’élevage, notamment l’élevage industriel.
La tendance et par ailleurs à la mise en place de gigantesques zones d’élevage ultra-sécurisées, poursuit Serge Morand. On y regroupe des dizaines de milliers de cochons, poulets ou bovins aux propriétés génétiques uniformisées, qui sont ensuite exportés aux quatre coins du globe. Tant que rien ne rentre dans ces élevages, pas de problème. Mais on sait que c’est impossible. Une fois que le virus y pénètre, il s’adapte, une quantité phénoménale d’animaux est contaminée, et comme ils ont tous des structures génétiques similaires, cette transmission est facilitée.
Pas de virus, pas de problème, direz-vous. Mais un autre élément essentiel entre en jeu : la destruction d’une part toujours plus importante de l’habitat des espèces, via la déforestation notamment, qui favorise leur déplacement et leur relocalisation dans ces lieux où elles n’étaient pas présentes.
La question finale est assez claire selon Serge Morand : » Comment recréer une économie qui met l’humain et la santé au centre du jeu, en lieu et place de la santé des marchés financiers « .
Valentin Dauchot – La Libre Belgique – 23 mars 2020.